SPLENDEUR, subst. fém.
A. − [À propos d'un astre, d'une chose brillant par elle-même ou sous l'effet d'une source lumineuse] Lumière très intense et que rien ne ternit, vive réverbération. Synon. flamboiement, resplendissement ; anton. obscurité. Splendeur du ciel, du jour, de la lumière, du soleil. [Les œuvres antiques] ont besoin de la pleine lumière; (...) la réverbération de la terre ensoleillée et de la Méditerranée voisine les auréolait d'une éblouissante splendeur (Rodin, Art, 1911, p. 277):
1. ... des palmiers noirs bruissaient sur les bords du Nil, qui coulait en miroitant sous la clarté des étoiles. Le ciel scintillait de toutes parts; jamais je n'avais vu aux astres une grandeur, un éclat, une splendeur pareils; la nuit en était illuminée...
Du Camp, Nil, 1854, p. 154.
− [À propos d'un moment, d'une période de temps] Splendeur de midi. C'était une soirée de juillet lumineuse et ardente, succédant à une journée torride; les étés d'aujourd'hui me semblent avoir perdu cette splendeur (Loti, Vertige mond., 1917, p. 23). La splendeur des matins radieux, des paysages de mer et d'archipels que vient illuminer le soleil levant (Béguin, Âme romant., 1939, p. 163).
− P. méton. Ce qui émet une grande clarté, de vives lueurs. Ce fut un éblouissement. Le rayon électrique tombait sur une splendeur flambante, (...) un brasier, où des lingots d'or et des pierres précieuses semblaient se fondre (Zola, Curée, 1872, p. 548).
B. − 1. [À propos d'une chose colorée] Éclat extrêmement vif et séduisant des couleurs. Anton. pâleur. Splendeur du couchant. Plus loin, s'érigeaient de somptueuses masses fauves, la splendeur d'un grand bois doré par l'automne (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 7). Le coloris, dense et fourni, combine la splendeur des rouges et des bleus, orchestre toute une joie de vivre (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 288).
− P. méton.
‣ Ce qui présente des coloris d'un éclat extrême. C'était [la cuisine pour l'enfant] un endroit (...) de splendeurs. Les légumes gardent encore sur la table leurs magnifiques couleurs; et voici de grandes flammes fascinantes, exaltées (Chardonne, Varais, 1929, p. 206). C'est un fabuleux trésor de chefs-d'œuvre (...). Vingt splendeurs composent la salle du Titien. C'est là que brille doucement cette Bacchanale qui a le rayonnement du vin et de l'émeraude (T'Serstevens, Itinér. esp., 1933, p. 220).
‣ Rare. Qualité d'un peintre qui utilise des couleurs éclatantes, fortement séduisantes. La noblesse de Raphaël, la splendeur du Titien, résultent de certaines combinaisons de lignes et de couleurs (R. Ménard, Hist. Beaux-Arts, 1882, p. 156).
2. [À propos d'une chose concr. ou sonore] Beauté pleine de puissance et de majesté. Synon. somptuosité; anton. horreur, laideur. Splendeur du monde, de la terre. Il semble que l'univers me repousse tout à coup (...). Je hais l'éternelle beauté des étoiles et la splendeur des choses qui nourrissent mes contemplations ordinaires ne me paraît plus que l'implacable indifférence de la puissance pour la faiblesse (Sand, Lélia, 1839, p. 538). L'humble magnificence, (...) la sobre splendeur du chant grégorien (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 9).
‣ Dans la splendeur de + subst., dans sa splendeur. Au maximum de sa beauté. Mon grand plaisir était de l'emmener à la campagne durant les beaux jours de l'été (...), le spectacle de la nature dans sa splendeur ayant toujours été pour moi le plus puissant des aphrodisiaques (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 40).
− P. méton. Chose extrêmement belle. Synon. merveille. J'ai longtemps habité sous de vastes portiques Que les soleils marins teignaient de mille feux (...) C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes, Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs (Baudel., Fl. Mal, 1857, p. 27).
3. [À propos d'un lieu, de pers. évoquées dans leur costume, leur train de vie] Grande abondance de richesses, de raffinements luxueux. Synon. apparat, faste, opulence; anton. simplicité. Splendeurs passées; antique splendeur. J'ai entendu cent fois déplorer la perte du riche commerce de nos colonies et la splendeur ancienne des villes de Nantes et de Bordeaux (...). L'industrie et la richesse de la France se sont au total accrues depuis qu'elle a perdu ses principales colonies (Say, Écon. pol., 1832, p. 232). Il trouvait plaisir à décrire des réceptions de splendeur royale (...), les tables couvertes de vaisselle d'or, les rivières de diamants au cou des femmes (...), les menus exquis (Maurois, Disraëli, 1927, p. 50).
‣ Au temps de sa splendeur. À l'époque de sa grande fortune. Au temps de sa splendeur, Georges d'Estourny (...), généreux comme un chef de voleurs, avait protégé la Torpille (Balzac, Splend. et mis., 1844, p. 182).
− Avec une nuance iron. Les clientes, qui lui reprochaient sa boutique sombre, reviendraient certainement, quand elles la verraient flamber, toute neuve. (...) on repeignit les boiseries (...); même on poussa la splendeur jusqu'à dorer l'enseigne (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 581).
− P. méton. Personne très fortunée ou chose qui marque ostensiblement la grande fortune. Les meurt-de-faim et les va-nu-pieds, ces frères douloureux et vénérables de nos splendeurs myopes et de nos prospérités égoïstes (Hugo, Paris, 1867, p. 13). Tout un éclat de plaisir et de luxe, dont la prochaine exposition promettait d'être la splendeur finale, la menteuse apothéose de féerie (Zola, Argent, 1891, p. 181).
C. − 1. [À propos d'une pers., d'une partie du corps] Vif rayonnement de beauté physique et/ou de beauté morale manifestée à travers le physique. Splendeur de son corps. Comme Laurence est fier et beau! (...) quand sur moi son visage rayonne, La splendeur de son front m'éblouit et m'étonne; Je ne puis soutenir l'éclat de sa beauté (Lamart., Jocelyn, 1836, p. 625). Pour la splendeur du sein, pour le rayonnement De la peau, nulle reine (...) N'égale sa beauté patricienne (Verlaine, Poèmes saturn., 1866, p. 77).
‣ Au temps de sa splendeur. À l'époque où sa beauté était des plus éclatantes et remarquées. La châtelaine de Chenonceaux, Mme Dupin, l'accueille avec la grâce toujours souriante de ses quatre-vingt dix ans (...), elle fait entendre au jeune homme (...) l'écho (...) des écrivains illustres qui, jadis (...), ont fait monter vers sa beauté l'hommage de leur ferveur. Elle l'introduit aux charmes (...) de ce XVIIIe siècle (...) dont elle était, au temps de sa splendeur, une des reines (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 611).
‣ Dans toute sa splendeur. Dans l'expression la plus vive de sa beauté. La jeune Yolande de Foix apparut (...) dans toute sa splendeur de Diane chasseresse. L'animation de la course avait amené un incarnat plus riche à ses joues (Gautier, Fracasse, 1863, p. 51).
− P. méton. Personne remarquable par sa beauté rayonnante. Amie de la duchesse de Langeais, amie de la vicomtesse de Beauséant, deux splendeurs disparues, elle était intime avec la marquise d'Espard, à qui elle disputait en ce moment la fragile royauté de la Mode (Balzac, Cabinet ant., 1839, p. 64).
2. [À propos d'une qualité personnelle] Éclat radieux qui transparaît dans l'apparence extérieure, la manière d'être. Nofrît assise devant lui, dans la splendeur de son âge, dans l'éclat d'une jeunesse qui s'épanouit, qui conserve encore la transparence, la flexibilité de l'adolescence et annonce déjà une opulente maturité (Arnoux, Rêv. policier amat., 1945, p. 56):
2. Phèdre, belle par soi, mais belle avant l'amour, comme toutes les belles, atteint à la splendeur de sa beauté au moment qu'elle déclare sa passion. Je dis splendeur [it. ds le texte], car le feu d'une action décisive brille sur son visage, brûle dans ses regards, anime toute sa forme.
Valéry, Variété V, 1944, p. 194.
3. Domaine relig.
a) [À propos de Dieu, d'une créature céleste, d'un saint, etc.] Lumière surnaturelle de source divine, transfiguration dans la gloire éternelle. Splendeur de Dieu. Une pâleur argentée donnait à sa peau (...) une mate splendeur. (...) la mort s'approchait d'elle comme une lumière. C'était la transfiguration de ces maladies de cœur qui ensevelissent les mourantes dans la beauté de leur âme, et emporte au ciel le visage des jeunes mortes! (Goncourt, R. Mauperin, 1864, p. 338). Au XIIIe siècle, une splendeur sereine enveloppe « le Christ qui enseigne »; au déclin du Moyen Age, il sera remplacé par le Christ de souffrance (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 73). V. resplendir ex. de Montalembert.
b) Perfection pure de la divinité, de la vie éternelle. Splendeur céleste. Ma sainte Lili, (...) comme je la vois dans une splendeur infinie, une paix inaltérable, un repos assuré! (...) elle plaint (...) ses amis, qu'elle voit dans ce pauvre monde, dans les peines (E. de Guérin, Journal, 1838, p. 193). Toute la doctrine de Brahma est là. L'âme impérissable s'adore comme être pur (...) cherche à se dégager de l'action du mal ou du bien pour arriver à la contemplation, à la splendeur divine (Vigny, Journal poète, 1859, p. 1349).
D. − Au fig.
1. [À propos d'une chose abstr.] Intensité remarquable, très haute valeur. Splendeur de l'amour, des images, des mots, de la poésie. Louis XIV vainqueur apportait à l'Europe la splendeur de la raison française. Quelle lumière l'Allemagne de Sedan a-t-elle apportée au monde? L'éclair des baïonnettes? Une pensée sans ailes (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1434). Papa nous entretenait religieusement de la science et de ses merveilles, de la splendeur du génie scientifique (Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 201). V. smaragdin ex. de Valéry.
‣ Dans toute la splendeur de + subst. Dans la plus grande vivacité de ses qualités. Je me surprends à désirer mourir à trente ans, dans toute la splendeur de la vie, dans les roses de l'amour, au sein des voluptés (Balzac, Mém. jeunes mariées, 1842, p. 289).
− P. iron. [En assoc. avec un terme péj.] Caractère de ce qui se fait beaucoup remarquer par ses défauts. La splendeur de sa bêtise fait plutôt ma joie. Je pense que vous avez entendu (...) son mot: « Je ne sais pas jouer au whist, mais je sais jouer du piano. » Est-ce assez beau! (Proust, Sodome, 1922, p. 973).
‣ Dans (toute) sa splendeur. Dans toute l'évidence de ses ridicules. On s'occupe de lois d'affaires ou de mesures sociales; alors s'étale dans toute sa splendeur l'ânerie de nos représentants: ministres (...), spécialistes, rivalisent à qui sera le plus stupide (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 215).
− P. méton. Ce qui se distingue par ses brillantes qualités. Plus j'avançais en âge (...), plus je découvrais, en ses poèmes [de Baudelaire], de splendeurs et d'étincellement qui m'avaient d'abord échappé (L. Daudet, Rech. beau, 1932, p. 26).
2. [À propos d'une pers., d'un groupe] Brillante réputation de valeur, de grandeur, de suprématie. Synon. gloire, lustre2, prestige; anton. déchéance, déclin. Splendeur nouvelle. Les rois tombés s'affligent surtout, parce qu'ils n'aperçoivent en amont de leur chute qu'une splendeur héréditaire et les pompes de leur berceau: mais que découvrait Napoléon antérieurement à ses prospérités? (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 632). Entrer en relations avec les descendants possibles des Atlantes, et, si (...) ils étaient bien déchus et ignorants de leur splendeur première, leur révéler leur illustre filiation (Benoit, Atlant., 1919, p. 145).
‣ Au temps de sa splendeur. À l'époque de son apogée social, moral. La petite noblesse viennoise (...) agonisait alors; mais au temps de sa splendeur, c'était elle qui avait valu à Vienne cette réputation bien assise de tranquillité, de stabilité (Arts et litt., 1936, p. 48-
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‣ [À propos d'un nom, d'un titre, d'un lieu, d'une époque illustré(e) par telle(s) pers.] Jours de splendeur. Ces palais qui semblent des sépulcres vides (...) rappellent une histoire brillante, une splendeur solidement établie, et (...) l'on se prend, devant cet abandon, à méditer sur la fragilité des choses humaines (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 256). Il (...) reste, sous le laurier, une image simple qui est moins celle de Ronsard que celle du poète. Et du poète, le nom, la gloire, rayonnent aujourd'hui d'une splendeur incontestée (Thibaudet, Réfl. litt., 1936, p. 21).
− P. méton. Ce qui a un caractère prestigieux. Sous ce même plafond Avaient passé jadis, ô splendeurs effacées! De grands événements et de grandes pensées (Hugo, Rayons et ombres, 1840, p. 1032).
Prononc. et Orth.: [splɑ̃dœ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Mil. xiie s. splendur « éclat » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, p. 271, 16). Empr. au lat. splendor « éclat, magnificence, gloire, pompe ». Fréq. abs. littér.: 1 639. Fréq. rel. littér.: xixe s.: a) 2 536, b) 3 151; xxe s.: a) 2 692, b) 1 497. Bbg. Duch. Beauté. 1960, pp. 114-115.